Comment vas-tu, Franck Béria ?

Que se passe-t-il dans la tête d’un sportif lorsque son corps le contraint à l’arrêt ? Comment vit-il sa convalescence, loin des pelouses, sans l’adrénaline de la compétition ? Nous avons posé la question à Franck Béria, victime de vilaines ruptures du ligament latéral interne et croisé antérieur du genou droit, le 8 mars dernier. Actuellement en fin de rééducation, le numéro 18 du LOSC s’est confié avec la plus grande franchise. Entretien.

Franck, bonjour. Notre première question coule de source : comment vas-tu ?
Ça va bien, merci, même si je ne vis pas une période très simple, car elle est faite de beaucoup de travail individuel. Chaque jour, avec le staff médical, nous sommes à la recherche d’un objectif à court terme en ce qui concerne la rééducation, mais aussi la perspective de reprise. En gros, on se bat sur le plan médical et physique.
 
Tu suis donc toujours un programme individualisé ?
Oui. Cela fait maintenant cinq mois que je suis à l’arrêt et que je travaille à part, à raison de deux sessions par jour. Je vous laisse imaginer le nombre de séances effectuées à l’écart du groupe. Heureusement, j’ai quelques exercices en commun avec le reste de l’équipe. Je pense notamment au gainage, aux abdos ou à toute la PPG (préparation physique générale), à l'échauffement, au travail technique... J’espère me diriger tout doucement vers des entraînements collectifs, même s’il reste encore beaucoup de boulot à abattre
 
Justement, où en es-tu concernant ton protocole de reprise ?
Nous avons aujourd’hui dépassé le stade de rééducation. On cherche maintenant à retrouver de la force. Il fallait attendre que le genou se consolide. Une fois cette étape franchie, le chirurgien donnera son feu vert pour valider une reprise plus active. Mais nous sommes dans les temps. Si j’arrive à reprendre en septembre, c’est très bien. Et si c’est octobre, on aura aussi atteint un objectif. Mais il ne faut pas se précipiter…

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On te sent désireux de revenir plus fort.
Le but est vraiment de revenir, mais surtout de rester en forme et non de faire du yoyo. Par expérience, je sais qu’il faut être très costaud sur le plan musculaire pour que tout tienne. J’ai subi un traumatisme qui a nécessité de la chirurgie. Donc derrière, plus le temps passe et plus le risque de gamberger est grand. Il est donc aussi question de réduire cet axe-là.
 

« Parfois, au quotidien, il n’y a que moi, Franck et Béria et personne d’autre… à part ma jambe, ma tête et le chrono »

 
C’est la première fois que tu vis une intersaison gâchée par une blessure. Maintenant que le championnat est reparti, peux-tu nous confier comment tu as vécu cette reprise sur le plan personnel ?
Ç’a été horrible. Je crois même qu’il s’agit de l’expérience la plus pénible qu’il m’ait été donné de vivre dans toute ma carrière. Tu as vraiment cette sensation de repartir de zéro, de te battre contre toi-même. Étant de nature positive, j’ai aussi vécu cette période comme un moyen de tester mon envie et ma passion pour le football. J’en suis ressorti regonflé, même si parfois, au quotidien, il n’y a que moi, Franck et Béria et personne d’autre… à part ma jambe, ma tête et le chrono.
 
Quel regard portes-tu sur le nouveau cycle sportif amorcé par le LOSC depuis cet été ?
Je pense que c’était le bon moment pour lancer cette nouvelle dynamique. Il y a eu beaucoup de changements, d’arrivées, de départs, un nouveau mode de vie au sein du vestiaire, une logique de travail différente. Plus que le groupe sportif, c’est tout le club qui a changé dans sa politique. Et en peu de temps. La transition est franche. Quelque part, je me dis que ce n’est pas plus mal de pouvoir vivre le début de cette nouvelle ère de loin, afin de la digérer tranquillement. Mais de l’autre, j’aimerais tellement être auprès de mes partenaires sur le terrain…

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Pendant cette convalescence, comment appréhendes-tu ton rôle de cadre au sein du vestiaire ?
On est un élément d’expérience ou un cadre de par nos actes et non par statut. Ce sont les autres joueurs qui vont venir te plébisciter pour que tu remplisses ce rôle en fonction de ton investissement et de ce que tu projettes sur le terrain. Si la plupart de mes partenaires me connaissent, tout est naturellement remis en cause dans la mesure où on pratique un sport de haut niveau. Mais même dans ma situation actuelle, j’ai constamment la volonté d’apporter quelque chose, de mettre à profit mon vécu pour que le groupe s’en nourrisse.

Toi et tes partenaires, dans quel état d’esprit l’abordez-vous, cette saison ?
Il faut comprendre que 2011 est maintenant loin. Et que même cette génération, on ne l’a pas bâtie du jour au lendemain. Cela faisait trois ou quatre ans qu’on évoluait ensemble, au moment du doublé. On se connaissait tous par cœur. Aujourd’hui, on entame un nouveau cycle, il faut faire preuve de patience, d’encouragement, mais surtout pas de défaitisme. Le message que je pourrais délivrer aux supporters serait de ne pas vivre dans le passé, car ça ne va pas aider les jeunes, les nouveaux. Et puis le football a beaucoup changé depuis 2011. Certains championnats étrangers peuvent compter sur des ressources financières monstrueusement supérieures aux nôtres. Mais au LOSC, je pense qu’on n’a pas à se plaindre. Nous avons un stade magnifique, un centre d’entraînement moderne, un effectif de qualité et un entraîneur ambitieux.150826Beria2.jpg
 
À ce propos, comment la sens-tu cette cuvée 2015-2016 ?
Je pense qu’on peut réaliser des choses intéressantes. Vraiment. Mais pour ça, il faudra jouer ensemble, tout miser sur le collectif. Quand nous travaillons les uns pour les autres, nous sommes capables de faire déjouer n’importe qui dans ce championnat. Je dis bien n’importe qui. Mais cette performance-là, il faut déjà savoir l’aligner. Puis la réitérer. On sait où on veut aller.
 
Avant de se quitter, sais-tu qui est le doyen du groupe lillois en termes d’ancienneté ?
Ça doit être moi, non ? Je suis un peu le dinosaure de l’effectif, puisque j’entame ma neuvième saison au LOSC (rires). J’ai vraiment la chance d’exercer un super métier. Et je suis persuadé que ce sera toujours le cas la saison prochaine, puis dans deux ans et ainsi de suite. J’aimerai toujours le foot. Tous les amis avec qui j’ai joué et qui ont raccroché les crampons me confient à quel point footballeur est une profession dans laquelle il faut rester le plus longtemps possible. Car une fois que tu en sors, ce n’est pas comme dans n’importe quel autre corps de métier, tu ne peux plus revenir. Et parfois, on ne décide pas de quand on va arrêter. Il faut donc en profiter. Tant qu’il y a de l’envie, du gaz, tant que ton corps et ta tête te le permettent, il ne faut pas se poser de question… Même si parfois, il y a des moments plus compliqués comme les blessures.
 
Un grand merci à Franck Béria pour sa disponibilité. Vous aussi, laissez-lui un message d’encouragements sur Twitter (@Franck95sang).